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lundi 29 janvier 2007

Imperium interruptum

On n'a plus le style vibrant de Billmon, mais un de nos expatriés bi-nationaux, Bernard Chazelle, prof d'algorithmique, a un joli morceau de bravoure [en] (aussi chez Candide) sur les conséquences de la Guerre en Irak.

Le gouvernement voulait cette Guerre choisie, "ridiculement évitable", pour prouver "qu'ils le pouvaient", et l'effet est caricaturalement l'inverse, on s'imaginait mal à quel point ils ne pouvaient en fait plus se le permettre. Ils voulaient dissiper le Syndrome du Vietnam, ils l'ont aggravé. L'Empereur a tenu à crier qu'il se dénudait.

Je ne me rendais pas compte de cet ordre de grandeur que cite Chazelle (je traduis) :

La part de l'effort de guerre sur le Budget dépassera bientôt 600 milliards de dollars, plus que le Vietnam [en dollars actuels, la totalité de la Guerre du Vietnam avait coûté 549 milliards de dollars], plus que tout l'argent jamais dépensé pour la recherche contre le cancer.

Il y a un chroniqueur néo-con de NRO qui se prend pour Thucydide mais il aurait dû méditer le plus dramatique fiasco de toute la politique étrangère depuis que l'expédition d'Alcibiade à Syracuse détruisit l'impérialisme athénien (Histoire de la Guerre du Péloponnèse, VI). Certes, Bush fut moins talentueux encore qu'Alcibiade.

Le siècle sera encore américain pour quelques temps avant de devenir chinois et indien, grâce à l'avancée technologique de la plus grande nation industrialisée, mais l'ambition de l'Hégémonie unilatérale est brisée, ce qui pourrait rendre à nouveau le monde plus instable (la fin de la Guerre froide n'avait pas augmenté le nombre de conflits locaux).

Le plus gênant pour la société américaine, en plus des pertes d'image et de soldats (voire de quelques droits dans l'hystérie ?) est aussi une "faillite des élites". Les Sénateurs se sont presque tous couchés, excepté le formaliste Feingold qui refusa le Patriot Act. A part Krugman et Seymour Hersh, les voix critiques furent faibles dans les médias en 2003 qui redoutaient d'être accusés d'être des Hippies :

The war has given the American mainstream media a brilliant opportunity to prove its essential worthlessness. It has shown itself to be little more than a circus of entertainers and cheerleaders for whom every season is the silly season. Tragically, the media has failed in its sacred duty to keep a vigilant, skeptical, critical eye on the centers of power. Who is the American Robert Fisk, Gideon Levy, or Amira Hass? Whoever they are (and Sy Hersh proves they exist), why are their writings not filling the op-ed pages of the great American newspapers? How can the nation that produces the bulk of Nobel prize winners be stuck with such a sullen bunch of journalistic mediocrities? The sycophantic enablers of the Fourth Estate have blood on their hands.

samedi 2 décembre 2006

Miscellanées

  • Ce qui peut presque amuser dans le dévoilement des ressentiments de Raphaël Confiant, devenu Maurice Barrès de Martinique (en bon totalitaire, il veut chasser un intellectuel français d'origine africaine parce qu'il ne serait pas assez proche de ses idéologies antillaises et il justifie le combat judéophobe de Dieudonné comme un effet de déracinement), est qu'il donnait des leçons de morale au nom de la "créolité" contre la "négritude" de Césaire et qu'il en a une conception tellement étriquée et haineuse qu'il signera bientôt des textes contre les "allogènes" s'il ne parle pas comme il le désire. J'aime bien aussi le sophisme de celui qui comprend le terrorisme de théocrates à cause du génocide des Amérindiens, en une grande équivalence morale absurde.
    En revanche, je ne suis pas certain que Fanon nous aide vraiment à éviter toutes ces dérives de ceux qui s'en réclament parfois. Tout ce constructivisme social de cette époque n'aurait sans doute pas trouvé d'arguments pour empêcher ensuite les nouveaux nationalismes proclamés au nom de l'anti-impérialisme.

  • Autre taré : Thomas Friedman, dit Toto le Crédule, qui explique que la Guerre en Irak peut encore réussir si et seulement si les Américains "ré-envahissent" (sic) le pays avec 150 000 hommes de plus pour contraindre ces peuples "résistant au progrès" pendant 10 ans.
    Il y a une chose bien pire que d'avoir tort ou de se tromper, c'est l'irresponsabilité d'abrutis qui donnent des conseils dont ils savent très bien qu'ils n'ont aucun sens et strictement zéro chance d'être pris au sérieux, uniquement pour le plaisir de pouvoir dire rétroactivement que tout se serait bien passé si seulement on avait écouté leurs recommandations irréalistes et absurdes, comme Matthew Yglesias l'expliquait si bien.

  • "Le poison, mon poison m'éclaire et se connaît" : Le polonium 210 aurait une demi-vie de 138.376 jours (soit environ 4 mois et deux semaines). Voir aussi La Russophobe, qui malgré ses excès qui dépassent parfois le régime pour toute la société russe, peut parfois être une lecture intéressante. Ce que je ne comprends dans toute cette affaire Litvinenko, Scaramella, Gaïdar, etc. n'est pas qu'un gouvernement autoritaire puisse exécuter des opposants mais qu'il puisse éventuellement l'avoir fait avec une telle désinvolture dans l'absence de dissimulation. Assurément, il doit y avoir des moyens qui attireraient moins l'attention qu'un métal rare, à moins que le métal ne soit le message et l'avertissement...
    Add. Un article suit le passé de Litvinenko dans le National Interest (ainsi qu'un FAQ sur le polonium par un géologue).

  • On ne sait si Romano Prodi est vraiment un agent du FSB comme l'aurait prétendu Litvinenko avant de mourir empoisonné (un mort à Londres qui retentit en Italie peut faire penser à la mort de Calvi en 82) mais on parlera peut-être aussi de plus en plus de l'affaire des votes blancs qui prouverait une nouvelle fraude de Berlusconi. Il faut seulement espérer que ce documentaire Uccidete la democrazia d'Enrico Deaglio et Beppe Cremagnani qui ont lancé l'affaire n'est pas simplement un pamphlet parano dans le genre de Loose Change.

  • On voit que Jack Lang a rallié la campagne de Ségolène Royal s'ils cherchent dans leurs militants des "mondains" qui font "remonter de nouveaux contacts de [leur] carnet d'adresses ".

  • Via Guillemette, la Stratégie sudiste des Républicains qui leur assure leur domination depuis quelques années n'est-elle pas ce qui est en train de se retourner contre eux en enfermant l'ancien Parti de Lincoln dans le Parti de la Confédération esclavagiste ?

  • Je ne suis pas enthousiasmé par cette liste de films controversés sur la religion (sauf bien sûr la Vie de Brian, qui est vraiment un chef d'oeuvre).
    Mais La Passion de Gibson n'est que du sadisme malsain et Le Message (1976) par exemple, n'est pas un film très intéressant, si ce n'est dans le fait qu'il ne devrait pas être controversé : ils ont choisi de raconter la vie de Mahomet sans jamais le montrer à l'écran et sans jamais même mettre sa voix, ce qui est une contrainte presque comique qui n'a pas empêché des manifestations à l'époque...
    Mais pour voir Mahomet en fiction, en dehors de Rushdie, il faudrait adapter des textes de SF comme les nouvelles du cycle Basil Argyros / Agents of Byzantium de Turtledove (où Mahomet est devenu un moine orthodoxe, ce qui fait que l'Empire persan sassanide n'a pas été arrêté par la confession impériale arabe) ou le cycle Roma Aeterna (nouvelle ""A Hero of the Empire") où Mahomet fut seulement un fou enflammé sans aucun succès dans le désert.

  • Je crois que cette dépêche Reuters a à peine besoin de commentaires. Le gouvernement pakistanais vient de décider que les victimes de viol dépendront désormais du droit civil commun et non plus du droit religieux traditionnel fondé sur la Charia (qui les contraignait à quatre témoins masculins pour prouver qu'elles n'étaient pas consentantes, cf. sourate 24, 13).

    The act takes the crime of rape out of the sphere of the religious laws, known as the Hudood Ordinances, and puts it under the penal code.

    Under the Hudood Ordinances, which were introduced by a military ruler in 1979, a rape victim had to produce four male witnesses to prove the crime, or face the possibility of prosecution for adultery.

    The change does away with that requirement and will allow convictions to be made on the basis of forensic and circumstantial evidence. An Islamist opposition leader said it would turn conservative Pakistan into a "free sex zone".

    Liberal groups and human rights activities have hailed the amendment, although they want a complete abolition of the Hudood Ordinances.

    Oui, si on lutte contre le viol, cela va libérer une vague hédoniste, c'est évident. Reuters ne le dit pas mais d'après la BBC, l'auteur de cette phrase serait Maulana Fazlur Rahman, chef pro-Taliban de l'Assemblée des Oulémas dans la coalition Muttahida Majlis-e-Amal (MMA).
    Cf. aussi ProChoix qui mentionne que la peine de mort pour adultère serait abolie.

  • Krysztoff et Presqueriensurpresquetout reviennent sur les accusations de "Jacques Richaud" (qui qu'il soit) qui prétend montrer que Robert Redeker ne courrait aucun risque. Via Krysztoff, voir aussi Catherine Kintzler qui défend le soutien sans réserve à Redeker au nom même de la possibilité de l'esprit critique.

  • Après la théorie, le Kansas s'attaque à la pratique.
  • Oh, et sans tomber dans les clichés faciles contre certains systèmes éducatifs, la géographie, c'est quand même important... 40% des Américains de 18-24 ans ne peuvent pas situer New York ou l'Irak sur une carte et après ça on s'étonne qu'ils aient pu être abusés par Cheney ? [Maintenant, j'aimerais une comparaison internationale pour voir si c'est aussi grave en Europe...]

  • Quiconque a vu le reportage récent de France 2 sur les enlèvements de fiancées au Kirghizistan n'a pas pu ne pas penser à Borat (surtout quand les jeunes kirghizes considèrent les rapts comme des faits inévitables des traditions). Le film continue à tracasser un vrai journaliste kazakh, qui aurait essayé de tourner en Ohio et qui en plus s'appelle Bolat.
  • jeudi 19 octobre 2006

    You Can Fool All of Them All the Time

    Bush ne savait pas qu'il y avait des Chiites en Irak en 2003. Mais encore aujourd'hui, après 3 ans de guerre et une occupation du territoire, des autorités "compétentes" chargées de réunir les renseignements (ce qu'on appelle de manière trompeuse l'Intelligence) sont toujours incapables de connaître ces élements de base sur la région (via) :

    Which one is Iran — Sunni or Shiite?
    He thought for a second.
    “Iran and Hezbollah,” I prompted. “Which are they?”

    He took a stab: “Sunni.”

    Vous savez, je n'ai rien contre l'idée d'une Hégémonie de la plus grande puissance mais ils ne pourraient pas y manifester un minimum de... non, même pas talent... aptitude ?

    Cela fait maintenant au moins 27 ANS que l'Iran est à la une des journaux américains et ils n'ont pas réussi à retenir cela ?

    Certes, ces sectes exaltées ne sont pour les Américains que des épiphénomènes idéologiques de la minéralogie fossile - qui se soucierait de ces arpents de sable sinon ? - mais ils pourraient mieux le dissimuler.

    Peut-être qu'une sinistre dictature bureaucratique serait moins visiblement sous-douée. Il faut espérer que la Chine fera plus d'efforts quand ils les remplaceront (c'était notre passage "et pour mon compte, je souhaite la bienvenue à nos futurs nouveaux suzerains").

    jeudi 12 octobre 2006

    Massacres de chiffres

  • Le Canard enchaîné se moque hier d'un sondage d'un des périodiques sarkozystes (pardon pour la lapalissade) qui accorderait 68% à Ségolène Royal dès le premier tour comme candidate du PS (23% à DSK et 9% à Fabius). La méthode n'est en effet pas rigoureuse (interroger les sympathisants alors que ce sont les militants encartés qui vont voter), mais même avec la marge d'erreur énorme de ce sondage (+/-13) la victoire de Royal dès le premier tour reste pour l'instant très probable. On ignore ce que sont vraiment ces nouveaux militants. Certains sont peut-être vraiment venus au moment où la vague ségoléniste commençait et on ignore combien sont venus au contraire pour faire barrage à cette candidature. Et même si elle n'atteint pas ce chiffre et même si Fabius se mettait soudain à soutenir DSK dans le Tout Sauf Ségolène, la réserve de voix ne semble pas encore suffisante. A moins que Royal ne s'écroule rapidement avant le 16 novembre, elle sera donc la candidate et il faut espérer qu'elle ne chutera pas ensuite entre novembre et les élections, sans quoi on aurait un scénario pitoyable comme le remplacement en catastrophe de Lipietz par Mamère en 2002 (Glavany, le plus guignol du PS, croit encore à un énième retour de Jospin en dernier recours en janvier prochain - pourquoi pas Jacques Delors pendant qu'on y est ?).

  • Les conservateurs vont encore une fois tenter de critiquer la nouvelle étude du Lancet (voir aussi l'entrée Wikipedia) qui donne une surmortalité de 655 000 Irakiens depuis 2003.

    Le mieux placé est bien sûr Bush :

    President Bush dismissed the figure yesterday as not credible.

    “The methodology is pretty well discredited,” he said.

    Irony still not dead. Heureusement qu'une figure aussi respectée et crédible vient donner des conseils de méthodologie à des épidémiologistes.

    [en passant, contrairement au français, "to discredit" n'est pas un verbe "anti-factif" en anglais.
    Il est donc plus comme "to disbelieve" que comme doit l'être "to refute".
    Bien que Bush ait un problème étrange avec la factivité des attitudes épistémiques, certains journaux ont pu titrer "Bush discredits the study" sans entériner la thèse alléguée.].

    Les réponses impromptues de Bush furent encore plus convaincantes :

    No, I don’t control it a credible report, neither does General Casey and neither do Iraqi officials. I do know that a lot of innocent people have died and it troubles me and grieves me. And I applaud the Iraqis for their courage in the face of violence. I am, you know, amazed that this is a society which so wants to be free that they’re willing to — you know, that there’s a level of violence that they tolerate.

    Les massacres quotidiens, ils l'acceptent plutôt bien et qui sommes-nous pour les juger s'ils en redemandent ?

    Est-il même encore utile de se demander s'il a cessé de boire ?

    Certains conservateurs et partisans de la guerre font remarquer que c'est en fait une fourchette assez large et que cela pourrait aussi être environ 400 000 (392 976) comme minimum. Mais en ce cas, il y a aussi la probabilité que ce chiffre de surmortalité monte à près d'un million (maximum indiqué : 942,636), avec toujours une plus forte probabilité autour de 600-700 000. Et de toute façon, on ne voit pas très bien la différence dans des chiffres aussi élevés (quinze fois supérieurs aux 45 000 tués officiellement de l'Iraqi Bodycount, mais le chiffre prend en compte l'ensemble de la surmortalité, y compris la dégradation sanitaire).

    Mais le chiffre le plus parlant est les 2600 morts violentes dans la Guerre civile le mois dernier. C'est un Onze septembre tous les mois.

    Add. : via Crooked Timber (l'équipe est souvent revenue sur les erreurs d'interprétation sur l'étude), cette réponse de l'informaticien Tim Lambert aux arguments contre ces statistiques.

    Billmon a des statistiques encore plus dures pour l'administration :

    • Saddam: 31,250 deaths a year
    • Cheney Administration: 87,500 deaths a year
  • vendredi 22 septembre 2006

    La Dissuasion du Dingue au Débile

    Un des vieux arguments de la Théorie de la décision et de la dissuasion est qu'il peut y avoir un intérêt rationnel à ne pas être trop rationnel, et surtout à ne pas en avoir trop l'air, en calculant que l'adversaire craindra votre irrationnalité (je ne sais pas d'où ça vient, mais cela apparaît en tout cas dans le classique de T.C. Schelling, The Strategy of Conflict, 1960).

    Mais simultanément, le problème de la "connaissance commune" arrive au moment où vous craignez au contraire que votre adversaire soit si irrationnel que votre menace serait inefficace : c'est l'assymétrie dite doctrine du "Fort au Fou" après "du Fort au Faible" (l'expression est de l'ex-ambassadeur français à l'Otan François de Rose, en 1990, au moment où la dissuasion du monde bipolaire s'écroulait).

    L'une des difficultés du terrorisme est que la dissuasion ("terroriser le terroriste" comme disait un crétin corrompu) ne fonctionne plus puisque des assassins épris de martyre ne partagent pas certains principes de préservation de leurs intérêts (d'où aussi la frivolité de toute l'idée de représailles "préventives" qui fut aussi avancée comme l'une des justifications pour envahir l'Irak).

    L'Iran demeure une dictature sans doute relativement "rationnelle" malgré l'apparence assez fantasque d'Ahmadinejad et la théocratie (après tout, même le chef d'Etat le plus dérangé de la planète, Khadaffi, a pu plier parfois sous la dissuasion). Les médias américains ont récemment joué au contraire sur le thème d'une folie apocalyptique chiite - projetant ainsi habilement sur l'Iran le reflet des accusations habituelles contre les évangélistes autour de l'administration Cheney. Hélas, le regretté grand turcologue Bernard Lewis (la vieillesse est un naufrage) s'était associé cet été à toute cette rumeur sur le 22 Août comme "Doomsday Chiite". L'idée était d'insister sur le fait que l'adversaire est Fou et donc que la négociation ou la sanction économique ne pouvait fonctionner, pour justifier une éventuelle action militaire.

    Le problème est que toute personne rationnelle ne peut croire que les USA peuvent vraiment bombarder l'Iran. D'abord parce qu'ils sont déjà en train de perdre une guerre en Irak et risquent aussi d'en perdre une, au moins aussi importante même si elle est oubliée, en Afghanistan et qu'on les voit mal en commencer une autre, encore plus impossible dans un pays immense (trois fois la surface de la France, deux fois la population de l'Irak). Ensuite parce qu'ils n'y ont aucun intérêt puisque cela serait inutile (la chance d'arrêter le programme nucléaire iranien est nulle) et ne ferait que renforcer le régime à l'intérieur et à l'extérieur.

    La conclusion est donc que l'Administration Cheney a un intérêt à jouer à présent le rôle du Fou, en inversant la place avec les Mollahs - et il faut reconnaître que leur incompétence et leur hubris depuis 5 ans peuvent servir au moins à renforcer cette image d'imprévisibilité et conférer les avantages de la stupidité en tant qu'Idiot du Village diplomatique.

    Malgré toutes les fatwas de Khamenei condamnant toute arme nucléaire, l'Iran veut vraiment avoir la Bombe pour des questions de "prestige" (sans quoi elle aurait accepté le compromis russe qui proposait d'inspecter les installations civiles).

    Elle l'aura, sans doute dans un délai un peu plus éloigné de quelques années, ce qui n'est pas plus inquiétant que la Bombe pakistanaise et la Bombe indienne. Elle ne l'utilisera pas (elle ne va pas irradier Israel, la Troisième Ville sainte de l'Islam et devenir un paria aux yeux des Palestiniens et de tous les Musulmans).

    Il faut quand même la sanctionner à l'ONU puisqu'elle est signataire du Traité de Non-prolifération de 1968 (ratifié en 1970). Mais on voit mal l'intérêt d'une intervention militaire - on se pince quand on entend certains Néo-néo-cons dire qu'un simple bombardement aérien permettrait un soulèvement populaire contre le régime (!) : une des leçons du siècle dernier est que cela ne marche jamais - à part peut-être récemment l'effondrement du régime de Milosevic (mais l'opposition était déjà assez forte).

    Comme tout le monde - y compris les mollahs, j'imagine -, je n'arrive pas à croire que les USA puissent attaquer. Cependant, via Billmon, le Colonel en retraite Sam Gardiner, professeur de stratégie très critique à l'égard de l'Administration Cheney nous met en garde contre notre pusillanime raison étriquée :

    When I discuss the possibility of an American military strike on Iran with my European friends, they invariably point out that an armed confrontation does not make sense -- that it would be unlikely to yield any of the results that American policymakers do want, and that it would be highly likely to yield results that they do not.

    I tell them they cannot understand U.S. policy if they insist on passing options through that filter. The "making sense" filter was not applied over the past four years for Iraq, and it is unlikely to be applied in evaluating whether to attack Iran.

    Cela sonne un peu trop comme une variante d'argument Ab Chewbacca, mais en l'occurrence l'absurdité makes sense.

    Billmon commente ensuite que le régime iranien en est peut-être devenue conscient mais qu'ils estiment qu'ils ont finalement plus à gagner à cette attaque inutile.

    Quand Israel a attaqué le Liban pour punir le Hezbollah, certains membres de l'Administration Cheney espéraient que cela serait un modèle pour leur plans iraniens (selon Hersh, que j'espère parano).

    President Bush and Vice-President Dick Cheney were convinced, current and former intelligence and diplomatic officials told me, that a successful Israeli Air Force bombing campaign against Hezbollah’s heavily fortified underground-missile and command-and-control complexes in Lebanon could ease Israel’s security concerns and also serve as a prelude to a potential American preëmptive attack to destroy Iran’s nuclear installations, some of which are also buried deep underground.

    L'échec de la représaille israélienne (que le Hezbollah considère comme une quasi-victoire "morale") fournit la leçon inverse et peut maintenant donner envie à l'Iran de jouer aussi les victimes du "Fort", non pas un vrai "David" victorieux mais au moins le martyr triomphant devant un Goliath empêtré dans ses frappes à la Pyrrhus (il faut que j'arrête de lire Toto Friedman, mes comparaisons en style pseudojournalistique deviennent de plus en plus n'importe quoi...).

    Toto-bashing

    Que serait ce blog sans un tel exercice régulier, aussi facile que réconfortant ?

    L'article de Judt dénonçant le simplisme de liberals devenus les idiots utiles & "alliés reponsables" de Bush n'échappe pas parfois à un certain simplisme (notamment dans ses attaques contre Walzer, qui contrairement à la rumeur, n'a pas soutenu l'invasion de l'Irak, et également dans son équivalence trop rapide entre soutien à Israel et pro-bushisme, cf. Phoebe Maltz). Mais il lui sera en partie pardonné parce qu'en plus de tous les liberal hawks influents de TNR il n'oublie pas (malgré le caractère anecdotique du personnage) notre glorieux globaliste de Toto Friedman.

    In a similar vein, those centrist voices that bayed most insistently for blood in the prelude to the Iraq War – the New York Times columnist Thomas Friedman demanded that France be voted ‘Off the Island’ (i.e. out of the Security Council) for its presumption in opposing America’s drive to war – are today the most confident when asserting their monopoly of insight into world affairs.

    The same Friedman now sneers at ‘anti-war activists who haven’t thought a whit about the larger struggle we’re in’ (New York Times, 16 August). To be sure, Friedman’s Pulitzer-winning pieties are always road-tested for middlebrow political acceptability. But for just that reason they are a sure guide to the mood of the American intellectual mainstream. (...)The only people qualified to speak on this matter, it would seem, are those who got it wrong initially.

    Cf. aussi un Mystère qui doit travailler un peu tout le monde dans ce globe globalement globalisé : Why Does Thomas Friedman Still Have A Job?

    jeudi 21 septembre 2006

    Pan sur le bec

    Quandoque bonus dormitat Anas Vinctus. Le Canard #4482 écrit :

    [En Suède], la victoire du candidat de droite Fredrik Reinfeldt vient de mettre fin à près de soixante-dix ans de règne social-démocrate

    Je sais, personne d'autre n'a fait cette erreur et cela n'amuse personne, ni vous ni moi, mais il est temps de refaire notre jeu habituel, la liste des alternances !

    (oh, les vieux liens sont tous cassés à cause de ces nuls de l'ancien blog, la page sur la Suède et la Norvège était il y a un an, au 18 septembre 2005, mais elle était fautive pour 94-96, la Finlande est et le Portugal ) :

  • 1932-1976 Sociaux-démocrates
       Per Albin Hansson (1932-1946)
       Tage Erlander (1946-1969)
       Olof Palme (1969-1976)
  • 1976-1982 Droite (Centre et Parti populaire)
       Thorbjörn Fälldin (1976-78, 79-82)
       Ola Ullsten (1978-79)
  • 1982-1991 Sociaux-démocrates
       Olof Palme (1982-1986, assassiné)
       Ingvar Carlsson (1986-1991)
  • 1991-1994 Droite (Parti modéré)
       Carl Bildt
  • 1994-2006 Sociaux-Démocrates
       Ingvar Carlsson (1994-1996)
       Göran Persson (1996-2006)
  • 2006-2010? Droite (Parti modéré + Centre, Libéraux, Chrétiens-démocrates)
       Fredrik Reinfeldt
  • Soit sur 74 ans, 9 ans de droite et 63 ans de gauche (85%).

    Pas de commentaires

    La situation de la torture se serait dégradée en Irak depuis la fin du régime de Saddam Hussein, d'après les témoignages d'une mission aux droits de l'homme de l'ONU en Irak (qui reconnaît ne pas avoir pu enquêter en profondeur sur le terrain en raison de la guerre civile qui se déchaîne dès qu'on sort de la Zone verte).

    The UN report says detainees' bodies often show signs of beating using electrical cables, wounds in heads and genitals, broken legs and hands, electric and cigarette burns.

    Bodies found at the Baghdad mortuary "often bear signs of severe torture including acid-induced injuries and burns caused by chemical substances".

    Many bodies have missing skin, broken bones, back, hands and legs, missing eyes, missing teeth and wounds caused by power drills or nails, the UN report says.

    Victims come from prisons run by US-led multinational forces as well as by the ministries of interior and defence and private militias, the report said.

    The most brutal torture methods were employed by private militias, Mr Nowak told journalists.

    Même dans ma vision la plus pessimiste de la gestion de l'Irak je n'aurais jamais imaginé une seconde que les occupants pourraient faire pire que le régime baathiste et ses chambres de torture...

    Le Guardian mentionne 6600 morts civils en Irak en juillet-août en raison des escadrons de la mort et des attentats. L'Iraq Body Count (considéré comme relativement restreint dans sa méthodologie) arrive à une fourchette de 43 000-48 000 morts civils au total [ce qui ne prend pas en compte toute la surmortalité].

    mercredi 13 septembre 2006

    Miscellanea

  • Istanbul Not Constantinople :

    Alou Alkhanov est le Président pro-russe (mais qui propose l'application de la Charia) de la République de Tchétchénie (Чечня), "élu" après l'assassinat de Kadyrov en mai 2004. Il a annoncé la semaine dernière que le nom international du pays devait être modifié pour ressembler au nom tchétchène, Нохчийчоь qui serait retranscrit en "Nokhtchiin". En fait, c'est une non-annonce puisque ce nom est déjà utilisé par les Nokhtchi. Pour simplifier les choses, les Tchétchènes Indépendantistes l'appellent Itchkérie.

    Le Président Alkhanov propose aussi que la capitale Grozny (Гро́зный) soit débaptisée (elle évoque "Terrible" comme le Tsar Ivan IV). Le Point n'a rien compris en commentant que c'était le nom de "Tchétchénie" qui était négatif. Les Tchétchènes indépendantistes appelaient Grozny Djovkhar Ghaala en l'honneur de leur premier dirigeant Djovkhar Doudaïev mais les Tchétchènes pro-russes proposent de l'appeler Akhmadkala en l'honneur d'Akhmad Kadyrov (les héros éponymes ont l'air toujours populaires en Fédération russe).

    Novosti commente en disant qu'il faut distinguer parmi les Vaïnakhs (Tchétchènes et Ingoutches) les Nokhtchi d'Itchkérie et les "lamarouoï" des Montagnes [mot qui semble un hapax sur tout le Web...].

    Parmi les nations de l'ex-URSS, celle qui a le plus besoin d'un rebranding serait plutôt la Pridnestrovie, petit bandeau de militaires et oligarques russes entre la Moldavie et l'Ukraine. Mais ils ne sont reconnus par personne (à peine par Moscou).

    La plupart des pays se fichent que leur nom en langue nationale ait si peu de rapport avec le nom international. L'Allemagne a un nom différent dans chaque pays. Suomi est appelé Finland(e) partout. Personne ne peut prononcer Magyarország. Seuls les classicistes doivent utiliser Ελλάς (et on ne s'offusque pas que les Grecs appellent toujours notre pays Γαλλία, même si certains Macédoniens doivent se fâcher d'entendre encore FYROM/ΠΓΔΜ/Skopje). Bharat ne remplacera jamais le nom grec antique d'Inde, de même que le nom de Chine (qui doit venir de Qin) ne sera pas remplacé par Zhongguo. Mais les changements de nom ont d'habitude une charge importante dans les colonies qui se libèrent, comme le Sri Lanka, le Zimbabwe, la Tanzanie ou le Congo-Kinshasa/Zaïre/RDC (on disait à une époque que la République d'Afrique du Sud s'appellerait "Azania" mais l'A.N.C. ne soutenait pas vraiment ce projet). Certains noms officiels n'ont jamais pris (Myanmar - l'opposition continue à dire "Burma" - ou le Kampouchea du temps des Khmers rouges). La Haute-Volta est devenue en 1984 Burkina Faso ("Pays des Hommes Intègres"), en une sorte d'acte magique que les pays gardent d'habitude plutôt pour les noms fluctuants de devises et monnaies.

  • Fil du rasoir : Une barbe tente de ressembler à quelqu'un pour protester contre lui.

  • Noeud Gordien : Des Liens sur la Partition de l'Irak (cf. aussi ce qu'on en disait en juillet). C'est réclamé par certains Kurdes et il n'est pas certain que cela ne soit pas aussi dans l'intérêt de la majorité chiite (et aussi de l'Iran).
  • samedi 5 août 2006

    La fin du Groundhog Day ?

  • Après nous avoir répété une douzaine de fois pendant 3 ans que le Bout du Tunnel était dans 6 mois en Irak (cf. Get Your War On), le globe-trottineur Toto Friedman se résigne à dire que c'est trop tard, qu'il faut que les USA se désengagent d'Irak. Il y a encore 6 mois il accusait de trahison et défaitisme ceux qui osaient défendre ce point de vue. Mais il assure aussi qu'il avait quand même eu raison tout le temps, bien entendu. Ah, si seulement on t'avait écoutée, Cassandre.

  • Bizarre, billmon, d'habitude très bien informé, a l'air de découvrir que Bush ignorait encore en 2003 qu'il y avait des Chiites en Irak. Comme le rappelle Amygdalagf, ça a été pourtant bloggué partout.

    J'ai souvent cette impression de Déjà Vu (ou alors à l'inverse de censure orwellienne) aussi quand je lis le gouvernement ou la presse dénoncer les "erreurs de la CIA sur l'Irak" alors qu'on peut très bien se souvenir que la CIA était clairement opposée à l'intervention en Irak en 2002 et était même critiquée par les conservateurs à l'époque (comme cette dingue de Mylroie). La CIA prédisait que cela n'aiderait pas à la lutte contre le terrorisme et créerait même d'autres sources. Pour une fois, elle ne s'était donc absolument pas trompée sur ce point.

  • jeudi 27 juillet 2006

    Pilate au Pentagone

    Via Tapped et Belgravia Dispatch, la réponse de Donald Rumsfeld (après la visite d'Al-Maliki) quand on lui demande si l'Irak est ou non en guerre civile.

    "Oh, je ne sais pas. Vous savez, j'y réflechissais justement hier soir, et méditais sur les mots, sur l'expression et sur ce qui la constitue. Si vous pensez à notre Guerre civile, c'est vraiment très différent. Si vous pensez à des guerres civiles d'autres pays, c'est vraiment assez différent. Il y a pas mal de violence à Baghdad et dans deux ou trois autres provinces, mais pourtant dans les 14 autres provinces, il y a très peu de violence et très peu d'incidents. Donc c'est... c'est une chose très concentrée. Elle est clairement stimulée par des gens qui aimeraient avoir quelque chose qui pourrait être caractérisée comme une guerre civile et la gagner, mais je ne vais être celui qui décidera si, quand ou quoi que ce soit."

    Heu... cet homme se drogue ?

    Le fait que ce soit concentré surtout dans des zones sunnites pourrait justement être le problème, non ? L'analogie n'a aucun intérêt mais on pourrait prétendre que la Guerre civile américaine aussi était "concentrée" sur seulement "11 Etats sur 34".

    J'imagine que les "3 provinces" sont surtout Salah ad Din (Tikrit, Samarra), Al-Anbar (Falloudjah, Haditha) et la capitale Bagdad elle-même. Ces trois zones ont environ 8,7 millions d'habitants (sur 28 millions au total) et la moitié des pertes de la Coalition. Mais d'après cette Carte, il y a quand même des foyers d'insurrection sur le Ninawa (Mossoul) et Babil. Et il y a des zones comme l'At-Ta'mim (Kirkouk) où les soldats américains ont eu peu de pertes mais où les conflits ethniques sont violents. Le Kurdistan a l'air relativement calme hors de Kirkouk mais on peut douter que les muhafadhat chiites soient aussi sereins.

    Oui, je sais que cela fait partie de son "personnage", de son sens de l'humour condescendant (on se souvient que lorsque Bagdad était pillée, il disait qu'il ne devait pas y avoir grand chose à voler). Juste avant, quand on lui demande combien d'hommes supplémentaires vont être envoyés il dit qu'il n'a pas le chiffre en tête et quand on le presse, répond, que c'est sans doute "plus qu'une centaine" (c'est un redéploiement de 4000 hommes, plus 400 policiers). Pourrait-il se montrer plus blasé et désabusé ?

    Deshabillant Pierre pour habiller Paul, ils se concentrent encore une fois sur Bagdad, peut-être pour protéger la fameuse Zone Verte. Ils disent qu'ils reviendront colmater les zones sunnites comme Al-Anbar ensuite, une fois que Bagdad sera pacifiée par des forces de "police". Mais c'est déjà ce qu'ils disaient en 2003. Ce n'est plus la boite de Pandore, c'est le tonneau des Danaïdes.

    mercredi 26 juillet 2006

    Plan B : Partition ?

    J'avais tort de me moquer de la théorie de tripartition de l'Irak de Leslie Gelb il y a trois ans (copie de l'article). Via le révéré Billmon (who is on a roll), The Independent a la bombe qui fait exploser la fameuse "Boite de Pandore".

    "Iraq as a political project is finished," a senior government official was quoted as saying, adding: "The parties have moved to plan B."

    He said that the Shia, Sunni and Kurdish parties were now looking at ways to divide Iraq between them and to decide the future of Baghdad, where there is a mixed population. "There is serious talk of Baghdad being divided into [Shia] east and [Sunni] west," he said.

    Ils pourraient aussi faire un Mur ?

    Ce n'est peut-être qu'un discours isolé mais cela risque d'attirer une invasion turque (ce qui semble commencer). La Turquie n'était déjà pas enchantée par un Irak fédéral mais un Kurdistan indépendant est considéré comme inacceptable. Les USA ont donc promis de passer à l'attaque contre les bases du PKK au nord de l'Irak, dans la zone qui leur était le plus favorable, mais on peut se demander quelle sera la réaction du petit PEJAK (kurde maoïste d'Irak) et même de la coalition gouvernementale kurde qui règne à Erbil.

    Nouri al-Maliki, le Premier ministre chiite, tente d'amnistier plus de Baathistes pour désarmer l'insurrection sunnite mais dit que même les Sunnites dans le gouvernement prennent parti pour les rebelles (qui semblent en majorité plus baathistes que jihadistes).

    On a un sentiment de panique alors que les Alliés sont contraints d'envoyer encore plus de troupes contrairement à tous les plans affichés. Bush et Blair peuvent être contents que tout le monde regarde Israel et le Hezbollah ou bien leur fiasco serait encore plus impossible à cacher sous le tapis.

    mercredi 19 juillet 2006

    Phénicie, Aussi

  • J'ai l'impression qu'on mentionne moins les événements de Gaza que ceux au Liban. Peut-être que les responsabilités à Gaza avec l'autorité palestinienne sont trop ambiguës des deux côtés alors que la situation est comparativement plus claire au Liban parce que la résolution 1559 de l'ONU (qui prévoyait le désarmement du Hezbollah) n'a jamais pu être appliquée par le gouvernement libanais. Ou peut-être est-ce ainsi une façon pour les deux camps de se concentrer sur des rapports entre Etats souverains (Israël, Liban mais aussi Syrie) et non avec la position de l'Autorité palestinienne et du Hamas qui ne voulait pas reconnaître même implicitement l'existence de son adversaire.

  • La démographie est le destin refoulé de la politique au Liban. Il n'y a plus de recensement officiel depuis 70 ans pour éviter de montrer l'évolution du pays. Le pays a été séparé de la Syrie par les Français en partie en raison des Chrétiens (il y a aussi des justifications historiques), mais les Musulmans y sont devenus majoritaires au XXe siècle. Le pays aurait seulement 3,5 millions d'habitants (la diaspora libanaise à l'étranger est bien plus vaste), et peut-être 400 000 réfugiés palestiniens (soit plus de 10% de la population) mais aussi une large minorité d'immigrants syriens (peut-être 500 000 à un million). La grande inconnue est le nombre de Chiites. Ils seraient peut-être majoritaires, en tout cas la plus grande minorité.

    Dans le système de répartition des sièges au Parlement (qui est devenu légèrement plus représentatif depuis les accords de Taëf), les Musulmans ont 64 sièges sur 128 (les 64 autres sont répartis entre députés des diverses églises chrétiennes avec 34 pour les Maronites) : 27 pour les Sunnites, 27 pour les Chiites, 8 pour les Druzes, 2 pour les Alaouites. Les Chiites seraient donc 50% de la population mais n'auraient que 21% des sièges (plus le poste de Président du Parlement, depuis 1992 le pro-Syrien Nabih Berri).

    J'ai du mal à compter parmi ces 27 lesquels sont revenus au Hezbollah. Les élections de juin 2005 ont donné 23 sièges du Liban-Sud au Hezbollah et ses alliés chiites, mais au total, le bloc pro-Syrien monte à 35 sièges sur 128. Le Hezbollah proprement dit aurait 14 sièges sur 27 (et non 23 sur 27). Dans le gouvernement du Premier ministre Fouad Siniora (Sunnite), la répartition des portefeuilles a donné au Hezbollah les Affaires étrangères (!), l'Energie et le Travail.

  • Beaucoup d'encre sur la notion de proportionnalité de la disproportion. Tout le monde est d'accord - même des Etats arabes certes sunnites - pour reconnaître que la responsabilité première est l'agression par le Hezbollah (même s'ils vont commencer à jouer l'équivalence face à leurs opinions publiques), et de nombreux pays - même les USA - reconnaissent qu'il y a réaction "disproportion" (mais pas "disproportion disproportionnée", si j'ai bien compris).

    Je ne connais rien au droit, mais la notion de proportionnalité qui est tant évoquée commence à créer un autre débat sur le Vague de la notion. Elle ferait référence à des principes de la Guerre Juste et plus précisément, d'après le Council of Foreign Relations, d'après cette page à des documents internationaux comme l'article 49 des articles sur la responsabilité des Etats. Il y avait déjà eu un débat semblable sur l'Opération "Justice rendue" en 1993 puis Raisins de la Colère en 1996 (de même sur la légalité de l'action préventive de 1980 contre la centrale Osirak).

    Même Beyrouth Est (quartier surtout chrétien) a été bombardé, ce qui n'avait pas été autant le cas en 1982.

    J'ai du mal à trouver un avis stratégique décisif sur la question. Pierre Atlas dit que la disproportion est un choix délibéré nécessaire contre la milice chiite. Ze'ev Shiv dit que c'est une erreur stratégique massive pour l'armée qui risque de la contraindre à un engagement terrestre puisque la supériorité aérienne ne peut pas suffire à une victoire - on a peut-être un cas de Supériorité stratégique de la retenue.

  • Je ne suis pas toujours sûr de voir la continuité des opinions de Fred Kaplan mais en gros il a l'air de vouloir rester descriptif tout en donnant des arguments pour que le conflit dure le moins longtemps. Il dit le 18 que la guerre pourrait durer mais qu'Israël n'a pas intérêt à envahir alors qu'elle pourrait encore avoir un avantage diplomatique et que le Hezbollah est très isolé. Le lendemain, il dit que le temps joue en la faveur du Hezbollah et qu'Israël commet l'erreur de croire que l'action va l'aider lors des négociations après le cessez-le-feu. Puis, il dit que seul un plan USA-ONU pourrait arrêter le conflit avant qu'il n'aille plus loin.

  • Blogorrhée explique pourquoi Israël y aurait gagné à traîner le Hezbollah devant le TPI au lieu de courir le risque de transgresser le jus in bello dans les bombardements.

  • On dit souvent qu'une des raisons du Hezbollah pour la prise d'otages et les tirs actuels est d'obtenir une libération de prisonniers plus large que le dernier échange de 2004. Ainsi, un correspondant libanais du Guardian disait que c'était une "cause célèbre" comme on dit en anglais, et l'envoyé spécial de L'Humanité écrit : "Trois Libanais sont toujours détenus dans les geôles israéliennes dont l’un depuis plus de vingt ans."

    Dans un souci d'exhaustivité, le correspondant pourrait rappeler pourquoi.

    Samir Kuntar (on retranscrit parfois Al-Kuntar, Qantar, Kantar) est en effet en prison depuis 26 ans (son site de soutien fait étrangement l'économie des raisons pour lesquelles il est détenu).

    Le 22 avril 1979, Samir Kuntar (alors âgé de 17 ans), traversa la frontière du Liban avec trois complices, tua un policier israélien et prit deux otages dans une maison à Nahariya, près de la frontière. Kuntar semble certes être citoyen libanais mais son geste fut guidé par le Front de Libération de la Palestine d'Abou Abbas (qui est depuis mort en Irak en 2004). Kuntar n'était évidemment pas membre du Hezbollah puisque le parti chiite ne fut créé que dans les années 80 et qu'il n'est d'ailleurs même pas chiite mais druze.

    Il faut rappeler que c'était trois ans avant l'invasion israélienne du Liban et qu'il voulait protester contre les accords de Camp David entre Israel et l'Egypte.

    Ensuite, il assassina de sang froid un civil israélien (Danny Haran, 28 ans) et sa fille (Einat, 4 ans, tuée à coups de crosse - sa soeur de 2 ans mourut quand sa mère tenta de la sauver, cf. son témoignage).

    Kuntar fut arrêté et condamné en 1979 à la prison à perpétuité (Israël a aboli en 1954 la peine de mort pour les crimes de droit commun, le seul condamné à mort de toute son histoire fut Adolf Eichmann en 1962 pour participation au génocide juif en Europe). Lors du dernier échange où Israel renvoya 435 prisonniers de guerre, la nature de son crime fit qu'il fut le seul à ne pas être pris en compte.

    Bien entendu (mais ça va mieux en le disant), rappeler cela n'implique pas que l'échange ne puisse être utile ou nécessaire, mais simplement que M. Kuntar peut être 26 ans dans les "geoles" comme dit le correspondant sans être Nelson Mandela (contrairement à ce que dit ce texte ridicule de son frère). Le choix de l'ellipse peut se justifier mais il trahit parfois une sorte de dissonnance cognitive : ne mentionnons pas les causes afin de pouvoir les nier. Quels que soient les crimes de guerre, on n'obtient jamais de paix sans des amnisties, mais il n'y a pas d'équivalence "naturelle" entre les prises d'otage actuelle de soldats et ce prisonnier libanais arrêté et jugé sur le sol israélien.

    Les Libanais réclament aussi la libération de Yéhia Skaff et Nassim Nisr.

    Skaff est considéré comme disparu depuis 78 et non prisonnier, on ne sait pas ce qui serait arrivé au corps. Le cas de Nisr est le plus intéressant parce qu'il avait acquis la nationalité israélienne mais est le seul des trois Libanais à avoir eu des contacts avec le Hezbollah. RFI en parle :

    Toutefois, Israël ne reconnaît pas la présence dans ses prisons de Skaff, membre d’un commando du Fatah de Yasser Arafat qui avait attaqué un bus en Israël, en 1978.

    Quant à Nassim Nisr, il refuse d’en parler avec le Hezbollah parce qu’il est détenteur de la nationalité israélienne. En réalité, Nisr est originaire du même village que Nasrallah au Liban-Sud. De mère juive, il avait été envoyé pour infiltrer la société israélienne avant d’être démasquer et arrêté.

    Les 3 prisonniers semblent donc être des prétextes symboliques plus qu'autre chose pour le Hezbollah. Les vraies raisons sont plutôt de montrer qu'ils peuvent continuer à attaquer le nord pendant longtemps et peut-être se renforcer au Liban.

  • lundi 17 juillet 2006

    Pax americana et economica

    Non, sans ironie, je voulais juste revenir sur cette dépêche il y a 15 jours, qui devrait quand même contrecarrer la morosité. On a beau parler plus de guerres que pendant la Guerre froide, il y en a en fait de moins en moins dans ce monde uni-polaire / multipolaire.
    The Stockholm International Peace Research Institute's newly released Yearbook 2006, drawing from data maintained by Sweden's Uppsala University, reports the number of active major armed conflicts worldwide stood at 17 in 2005, the lowest point in a steep slide from a high of 31 in 1991.

    The Uppsala experts added one conflict to their list in 2005: the resurgent war that pits the four-year-old Afghan government and its US-led allies against fighters of the ousted Taliban.
    But they also subtracted three conflicts: those that ended in Rwanda, southern Sudan and Algeria, joining such other recent additions to the "peace" column as Liberia and Indonesia's Aceh province.

    The deadliest war of 2005 was the complex conflict in Iraq, where estimates say a minimum of 50,000 people have been killed since the US-British invasion of 2003. The oldest conflict, dating to 1948, is the separatist struggle of the Karen people in Myanmar, or Burma.

    En plus de la fin de la Guerre froide (le sommet est en 91), ils citent comme facteurs principaux depuis les années 90 la croissance économique en Asie et les succès d'organisations comme l'ONU et l'Union africaine. Il ne faudrait pas que les massacres de masse au Soudan fassent oublier que globalement l'Union africaine a au moins réussi à baisser le nombre de conflits interétatiques.

    Non, je n'en parlerai pas

    D'abord parce que le fait d'avoir un blog ne vous autorise pas à croire que votre avis est intéressant. Et il y a une raison bien simple, je ne suis pas assez intrépide pour endurer les inévitables flamewars à ce sujet. En 3 ans de blog, j'ai furtivement réussi à éviter toute polémique et querelle (vous avez remarqué, pour prendre un autre exemple qui n'a rien à voir, que je n'écris rien sur ce sport de décérébrés fascistes avec un ballon rond malgré toute le refoulement que cela représente après avoir vu beugler la violence chauviniste qui appelait à "tuer les Portugais et les Italiens" ?).

    - Hummm, 1, 2, 3, je me calme.-

    Et aussi parce que je n'ai aucune compétence (certes, cela ne m'arrêterait pas d'habitude) et même pas de méthode assurée pour arriver à une opinion un peu informée et pertinente. D'habitude, je me contenterais de ce qu'on appellerait pompeusement un "calcul des conséquences" mais il y a quand même un brouillard de la guerre sur les paramètres et les effets. Donc rien. Motus.

    [Sur le méta-débat de l'utilité d'un débat, il y a notamment Kevin Drum qui donne (en réponse à Matthew Yglesias) 5 raisons pour ne pas en parler :
    1) cela déclenche des réactions haineuses au lieu de discussions,
    2) la situation générale depuis 60 ans (voire plus, il faut remonter aux années 20) paraît impossible à résoudre, en tout cas sans que des parties extérieures puissent aider de manière constructive dans cette génération (voir aussi Yglésias sur la propension à ne pas admettre le fait même du problème, notamment en les "personnalisant"),
    3) Ces 60 ans ont apporté d'innombrables faits et contentieux, points de divergence possibles dans les analyses et attributions de responsabilité,
    4) les prétendus experts sont partiaux et parfois assez extrêmes dans les deux sens,
    5) Toute critique d'un des camps risque d'être suspecte d'arrières-pensées haineuses, d'absence de sens moral et d'irresponsabilité criminelle.
    Cf. aussi Fontana Labs qui montre comment le modéré et raisonné Belgravia Dispatch se fait aussitôt accuser de faiblesse coupable par les plus idéologues et les plus hystériques (cf. aussi Poorman).

    Il est vrai parfois que je comprends la méfiance sur la manière de traiter ces questions. Ainsi, sans vouloir donner de leçons de morale (non, non, vraiment, je ne serais pas bien placé) et sans tomber dans des accès de paranoïa, je trouve qu'un(e) des rédacteurs de Netlex n'a pas été très bien inspiré(e) dans ses rapprochements. Je suis certain qu'il est possible d'évoquer ce conflit du Proche-Orient sans faire ce genre d'analogies gratuites. Penserait-on à faire ces comparaisons si c'étaient, je ne sais pas, des Indonésiens bombardant des Timorais ?]

    Il n'y a aucun sujet de politique internationale (qui ne concerne pourtant que quelques millions de personnes) qui déclenche autant d'attitudes irrationnelles, de cris de haine, d'accusations de partialité, de prises de parti, de jugements condescendants des deux côtés. En soit, c'est déjà un fait remarquable (sans vouloir accuser pour autant une haine inconsciente dirigée contre l'un des camps en présence), le fait que toute la planète s'agite depuis 50 ans sur cette question territoriale alors que d'autres mouvements de population et des irrédentismes passent plus inaperçus. On sait que cette cause locale a été instrumentalisée par de nombreux Etats en raison d'une solidarité imaginaire d'une Nation dispersée sur plusieurs Etats.
    L'autre stratégie, surtout depuis 40 ans, a été d'y voir le symbole et le culminant de tout le colonialisme et impérialisme occidental (cela se voit toujours dans le Préambule de la Charte africaine des Droits de l'Homme de 1981, par exemple).

    En même temps, il ne serait pas rationnel non plus - ou trop facile - d'éviter tout jugement, mais je crains que le mien ne soit assez mou et prévisible : un Etat a un intérêt normal à se défendre, et des victimes civiles sont parfois inévitables [c'est ainsi qu'on pouvait justifier les bombardements en Afghanistan en 2001-2002], mais même dans son propre intérêt, il ne paraît pas efficace ni juste de détruire les infrastructures de tout le pays en question pour viser seulement un groupe en prétextant que les autres groupes n'ont pas fait assez pour l'arrêter.

    On n'a besoin de se fonder sur une quelconque tradition historique de la diplomatie française depuis 39 ans, ou bien d'un point de vue privilégié "d'amitié" avec l'un des peuples, comme certains éditorialistes, pour partager les doutes sur l'intérêt légitime d'un pays agressé à passer immédiatement aux représailles massives qui risquent de déborder la nécessaire défense de ses citoyens et basculer dans un conflit plus long. Israël gagne tous les conflits militaires, mais cela ne suffit pas à résoudre son problème avec ses voisins. Le gouvernement de coalition Kadema-Travailliste n'a aucun intérêt à donner l'image d'une hubris disproportionnée.

    Oui, en gros, c'est la position consensuelle et sans efficacité en France, du Monde à Chirac, et c'est pourquoi il n'y a aucun intérêt à essayer de la défendre tant qu'il n'y a pas plus d'arguments en leur faveur ou surtout plus de conséquences pratiques. Je comprends l'ironie de Swissroll qui semble se lasser des "diplomatie-réflexes" de la France (mais qui cite favorablement ce blog qui parle pourtant aussi de réactions "disproportionnées", tout comme Chirac). Il est vrai que la France est mal placée pour parler de juste proportion quand on se souvient des réactions de notre armée en 2004 face aux violences en Côte d'Ivoire.

    Je n'exclus pas la possibilité que montrer plus de "retenue" ou de prudence ici n'aurait fait que décrédibiliser la défense de Tsahal face au Hezbhollah et n'aurait eu pour effet qu'inciter à plus d'actions spectaculaires de ces derniers. Mais rien ne montre que cela ne soit pas déjà le cas, donc je ne vois pas trop la force de l'objection. De plus, l'Etat le plus puissant a les moyens de gagner militairement les combats tout en perdant le combat "asymétrique" avec des adversaires qui ont su évoluer ces dernières années (le surdoué et omniscient Billmon a insisté sur le contexte technologique d'évolution de la guerre et des progressions préoccupantes du Hezbollah).

    Je suis donc tout à fait panurgien sur l'idée de défense plus proportionnée, dans l'intérêt même d'Israël d'ailleurs. En revanche, contrairement à des blogs modérés, je ne vois pas bien la force de l'analogie que fait Mallenby : "l'Inde n'a pas attaqué le Pakistant après les attentats sanglants de Bombay, donc Israël n'aurait pas dû attaquer la plaine de la Bekaa". Il faudrait de sérieux mutatis mutandis pour que ça marche. D'abord, le Pakistan a condamné l'attentat, et ensuite rien ne prouve que les Terroristes ne sont pas des citoyens indiens [EDIT: Zut, je me croyais original mais Ezra a déjà eu le même argument.]. Mallenby attaque aussi l'Europe parce qu'elle attend l'action américaine, ce qui semble curieux.

    Mais de toute façon, les opinions européennes n'ont aucune importance dans ce débat. Le seul pays qui pourrait vraiment faire pression (sur Israël pour modérer les représailles et également sur le gouvernement libanais pour faire pression sur le Hezbollah) est les USA. Non seulement ils ne le feront pas (il y a eu une scène tragi-comique où le Premier ministre libanais Fouad Siniora a dit que Bush était prêt à faire des pressions sur Israël et où Snow le porte-parole de Bush a aussitôt nié l'interprétation de ses propos) mais il y a même le soupçon qu'ils n'en ont aucune envie. Il y a une théorie selon laquelle certains Américains incitent même au conflit, en croyant que cela affaiblirait l'Iran - ce qui paraît un jugement pour le moins "imaginatif", pour ne pas dire contre-productif au moment où on voit que c'est sans doute l'Iran qui peut profiter de ce conflit.

    Mais je continue à croire qu'il reste un lambeau de rationalité dans cette Administration. Ils sont cupides, à court terme, incompétents et ont un sérieux vice de wishful thinking, mais ils ne sont quand même pas complètement malades. Après le Fiasco irakien ils ne comptent plus vraiment jouer au "Désordre Créateur" avec la Syrie et l'Iran, qui serait un morceau bien trop lourd pour eux, quand ils sont déjà embourbés inutilement en Irak et en train de se faire dépasser en Afghanistan où ils auraient dû se concentrer en un premier temps. Le problème en un sens est que l'Iran aussi doit faire la même estimation, ce qui gêne les tentatives d'intimidation ou de "dissuasion".

    Quant à l'ONU, non seulement les Etats n'oseront pas encore une fois entrer dans cet engrenage mais il faut rappeler que l'ONU a toujours 2500 hommes de diverses nationalités dans la FINUL (opération commencée il y a 28 ans) et que cela n'a jamais emêché l'essor du Hezbollah - qui n'est pour l'instant limité que par les lois libanaises communautaires, y compris depuis Taëf, qui avantagent les Sunnites sur les Chiites (et les Chrétiens sur les Musulmans d'ailleurs, un des problèmes dans la "proportionnalité" communautariste telle qu'elle qu'elle n'est guère pratiquée qu'au Pays du Cèdre).

    Ce Blog a centralisé des Blogs israéliens, libanais et palestiniens sur le front. Il y a peu de surprises - même si on trouve heureusement des individus prêts à prendre une difficile distance et distinguer la compassion pour les victimes civiles (dans leur camp et le camp opposé), et le débat politique. Comme dit Billmon, c'est un bon signe de la démocratie en Israël qu'ils arrivent encore, malgré des décennies de guerre contre presque tous ses voisins, à publier plus de critiques contre leur propre guerre que les Américains.

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