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jeudi 21 septembre 2006

Paleologus Is Banging Your Sister

Il faut espérer qu'on ne le dira pas à un footballeur corse.

Il y avait eu aussi une tentative de faire entrer la Raison dans ce débat interconfessionnel.

lundi 18 septembre 2006

Dia Xiphous Pistis

Le Monde avait une affiche racoleuse samedi chez certains marchands de journaux "la réponse de l'Islam à Benoît XVI", comme si l'Islam existait comme une organisation unitaire. L'autoflagellant Henri Tincq interroge Malek Chebel et on a droit à des informations qui sortent des clichés. :

En sept siècles de présence musulmane en Andalousie, l'islam n'a pas été violent. Il a su accueillir l'Autre, n'a fait de pogroms ni contre les chrétiens ni contre les juifs, a pu prospérer au niveau intellectuel et économique.
Ah, l'Andalousie, l'Atlantide rêvée qu'il faut invoquer à chaque débat, heureusement qu'on interroge des experts pour éviter des sentiers battus. Car il est bien connu que la Perse, Damas ou Bagdad n'avaient pas de vie intellectuelle et qu'il ne faut retenir que la partie proche de nous. Les Dhimmis étaient si bien traités en Espagne [du moins de 912 à 976]. En 1013, le Massacre de Cordoue (avec la destruction de ses bibliothèques) fut sans doute un accident. En 1066 (tiens, la même année que Hastings), le massacre des juifs de Grenade a dû être causé par des Normands égarés déguisés en Musulmans. Mais chacun sait que l'intolérance n'a commencé qu'avec la Reconquista, Jihad Inversé - même si les fameuses traductions dont on parle tout le temps furent faites à Tolède après la Reconquête [D'après certains historiens, le mythe de la tolérance andalouse a été créé par des historiens laïcs et juifs du XIXe siècle, comme Heinrich Graetz, qui voulaient un contre-modèle utopique à l'Europe de leur époque, cf. Mark Cohen, Under Crescent and Cross, Princeton, 1995]
Faut-il rappeler que les grands penseurs chrétiens, comme Thomas d'Aquin, ou juifs, comme Maïmonide, et toute la pensée médiévale ont eu accès à la philosophie grecque - Aristote, mais aussi Hippocrate, Euclide, Ptolémée - grâce aux Arabes ? ?
Oui, même si la transition se fit par des Chaldéens syriaques qui n'étaient ni musulmans ni peut-être d'une religion du Livre (sauf si on compte le zoroastrisme) mais probablement païens et astrolâtres. Chebel fait aussi bien de citer le cas de Maïmonide, excellent exemple de tolérance andalouse en effet, puisque en 1148 Maîmonide dut quitter Cordoue, après que les Almohades menacèrent de tuer tous ceux qui ne se convertiraient pas à leur foi. De même, le Commentateur Averroès, qui avaient servi le régime rigide almoravide, ne semble pas avoir été enthousiasmé par la tolérance des Almohades à la fin du XIIe siècle.

[aujourd'hui l'intégriste Altikriti est choqué que les mosquées andalouses n'aient pas été respectées au XVe siècle et soient devenues des églises - alors qu'il est en effet si facile de construire des églises en pays de l'Oumma aujourd'hui encore]

Certains naïfs pourraient être plus choqués par Benoît XVI quand il défend la Peine de mort au nom de l'Amour (dans son Catéchisme de 1992 qui fut ensuite révisé par l'encyclique Evangelium vitae de 1995, suite au scandale), quand il réhabilite un fasciste comme l'Abbé Laguérie ou bien quand il attaque la Théorie de l'évolution que lorsqu'il cite un texte de controverse byzantin du fin du XIVe siècle. Mais non, l'important est que le chef d'une religion ose dire qu'il croit que la sienne serait plus proche du Logos que celle des autres.

Dans le dialogue en question, Entretiens avec un Musulman (Du Cerf, 1966), le "Mudarris" (le Lettré, en grec le "mouterizès") perse avec qui parle Manuel II utilise aussi des arguments "rationnels". Ce serait facile contre la Trinité, mais le Lettré dit notamment que l'Islam est la synthèse (ou Juste Milieu) de la Communauté concrète du Judaîsme et de l'Universel abstrait du Christianisme, en un Universel Concret, plus universalisable que la loi de Moïse mais plus applicable que celle de Jésus. C'est un argument très ingénieux (un peu comme les dialectiques "spirituelles" de Joachim de Flore) qui montre que le Basileus Manuel ne ridiculise pas son adversaire.

En passant, il y a aussi des chapitres amusants au début où le Chrétien et le Musulman sont d'accord pour défendre certains mystères comme la Résurrection (et également l'angélologie) en disant tous les deux que cela dépasse le Logos, ce qui montre bien - contre Benoît - la complicité des deux superstitions pour voiler les Lumières naturelles. Il y a en revanche d'autres chapitres plus naïfs où le Mudarris se sert comme "preuve" du fait des victoires turques et des défaites byzantines. L'Empereur Manuel semble d'ailleurs un peu ébranlé par l'argument, ou du moins amer, il est vassal du Sultan Bajazet et se bat même pour lui au moment où il est censé prononcer ce dialogue avec l'érudit persan.

La confiance de Manuel dans ce dialogue (il dit que le Mudarris est plus honnête et plus raffiné que le Sultan avec qui la discussion ne servirait à rien) rappelle en partie d'autres légendes d'apologètes qui croyaient convaincre à leur foi par des arguments, comme Raymond Lulle, un siècle avant, vers 1285, qui aurait prétendu que son Art combinatoire lui permettrait de convertir les Tunisiens.

Mais toute cette affaire se passe comme prévu, avec une sorte de fatalité un peu ennuyeuse. Benoît XVI s'excuse, cela ne servira à rien et certains Vrais croyants vont montrer que leur religion n'a rien de violent en appelant au meurtre. Comme le dit cet article, il y a un cycle de prophéties autoréalisantes :

The threat of violence against Catholics and Christians was emphasised by the murder of an Italian nun in Somalia. Sister Leonella, 66, was shot as she walked from the children's hospital where she worked to her house in Mogadishu, a city recently taken over by an Islamic government. A Vatican spokesman said he feared her death was "the fruit of violence and irrationality arising from the current situation".
Assassiner une vieille dame - qui accomplissait sans doute une "Violence symbolique" - est en effet un bon moyen de réfuter ce genre d'accusation d'irrationalité.

Tout cela ne prête guère à rire, mais la réaction la plus surprenante est encore celle d'une partie de la presse iranienne, qui y voit un complot israélien (et ajoute que cette dénonciation de la violence religieuse est "un appel à la Croisade").

jeudi 14 septembre 2006

Peri tôn palaiôn logôn

L'ayatollah Ratzinger XVI a déclenché une "dialexis" (i.e. flamewar) :

Stressing that they were not his own words, he quoted Emperor Manual II Paleologos of Byzantine, the Orthodox Christian empire which had its capital in what is now the Turkish city of Istanbul.

The emperors words were, he said: "Show me just what Muhammad brought that was new and there you will find things only evil and inhuman, such as his command to spread by the sword the faith he preached."

Benedict said "I quote" twice to stress the words were not his and added that violence was "incompatible with the nature of God and the nature of the soul".

On peut trouver une version anglaise de son discours (la VO teutonne est ) :

I read the edition by professor Theodore Khoury (Muenster) of part of the dialogue carried on -- perhaps in 1391 in the winter barracks near Ankara -- by the erudite Byzantine emperor Manuel II Paleologus and an educated Persian on the subject of Christianity and Islam, and the truth of both.

It was probably the emperor himself who set down this dialogue, during the siege of Constantinople between 1394 and 1402; and this would explain why his arguments are given in greater detail than the responses of the learned Persian. The dialogue ranges widely over the structures of faith contained in the Bible and in the Koran, and deals especially with the image of God and of man, while necessarily returning repeatedly to the relationship of the "three Laws": the Old Testament, the New Testament and the Koran.

In this lecture I would like to discuss only one point -- itself rather marginal to the dialogue itself -- which, in the context of the issue of "faith and reason," I found interesting and which can serve as the starting point for my reflections on this issue.

In the seventh conversation ("diálesis" -- controversy) edited by professor Khoury, the emperor touches on the theme of the jihad (holy war). The emperor must have known that sura 2:256 reads: "There is no compulsion in religion." It is one of the suras of the early period, when Mohammed was still powerless and under [threat]. But naturally the emperor also knew the instructions, developed later and recorded in the Koran, concerning holy war.

Without descending to details, such as the difference in treatment accorded to those who have the "Book" and the "infidels," he turns to his interlocutor somewhat brusquely with the central question on the relationship between religion and violence in general, in these words: "Show me just what Mohammed brought that was new, and there you will find things only evil and inhuman, such as his command to spread by the sword the faith he preached."

The emperor goes on to explain in detail the reasons why spreading the faith through violence is something unreasonable. Violence is incompatible with the nature of God and the nature of the soul. "God is not pleased by blood, and not acting reasonably ("syn logo") is contrary to God's nature. Faith is born of the soul, not the body. Whoever would lead someone to faith needs the ability to speak well and to reason properly, without violence and threats.... To convince a reasonable soul, one does not need a strong arm, or weapons of any kind, or any other means of threatening a person with death...."

La suite part sur le "Logos", avec les jeux de mots vaseux habituels des catholiques qui confondent la Raison grecque avec le Verbe médiateur johannique. [Non, plus sérieusement, il traite, avec certains accents heideggeriens, la question des étapes de la "des-hellénisation" (Enthellenisierung) présente dans l'évolution du christianisme (notamment extra-catholique) mais prétend que seule la synthèse de Platon et du Paraclet fait la grandeur du Logos universel et singulier. Il dit en passant que Jacques Monod était aussi "platonicien" mais il ne lui aura pas échappé que la référence de Monod est plutôt Démocrite ou la mécanisation du monde qui trouve son accomplissement avec Darwin]

Je crois que je prendrai juste du pop-corn pour voir le fameux clash des ex-croisés déformés par l'infâme Bernard de Clairvaux et dans l'autre camp les dénégateurs au ralenti, en attendant toutes les "dissonnances cognitives", les excuses hypocrites, les propos si sincères de tous ceux qui vont encore dire que djihad veut seulement dire Askesis, ou Nirvana ou Ataraxia ou je ne sais pas quoi et que tout sens de "guerre sainte" n'existe que dans des polémiques.

Oh, et bien sûr le jihad bis saif ("effort" Par L'épée) n'est qu'une "métaphore", ou n'est que défensif comme la "Guerre juste" selon Augustin. D'ailleurs l'Empire omeyyade et la destruction de l'Empire perse furent formés seulement par auto-défense. Et les conquêtes coloniales par les Etats musulmans du VIIe au XIXe siècle n'avancèrent que préventivement. Et le Prophète pacifique n'a jamais appelé à la moindre violence ou expansion territoriale, bien entendu. Ou alors on peut préciser qu'il se serait servi d'autre chose que d'une épée (un sabre ?). Certains apologètes finissent généralement en disant qu'il faut massacrer toute personne assez impie pour insinuer que Ses propos pourraient justifier quoi que ce soit de belliqueux.

Il faut toujours entendre ce joli verset 2 : 256 "Pas de contrainte en religion" [qui, contrairement à ce que dit Benoît, daterait de la période médinoise] pour faire oublier que c'est un Verset abrogé par quelques autres qui sont admises comme ultérieures, comme la 9e Sourate, celle du "Repentir" écrite dans le contexte de la bataille de Tabouk en 630 où les Byzantins d'Heraclius avaient fait se replier les Médinois. 9:5 "Tuez ceux qui adorent d'autres dieux avec Allah" (mais c'est peut-être "tuer" en un sens allégorique), 9:29 "Faites la Guerre à ceux qui ont reçu les Ecritures mais ne croient pas en Allah" (mais c'est la Guerre au sens d'un dialogue vif, mais constructif). On se demande aussi comment certains peuvent mal interpréter le début de la 47e sourate "Quand vous rencontrez des incroyants, coupez leur la tête et faites payer rançon".

La notion de jihad a pu s'accompagner d'innombrables guerres pendant les derniers XIV siècles et le mot a beau être utilisé en un sens peu pacifiste par des organisations de croyants sincères, mais la vraie violence irresponsable serait bien sûr l'insinuation que cela ait pu être le cas. On n'est pas responsable du passé de sa secte (généralement sanglant, à part peut-être les Jaïnistes ?) mais il vaut mieux en effet le nier et l'escamoter dans la mauvaise foi, du moins quand on parle à l'extérieur des dites sectes.

Une phrase d'un théologien indigné (qui dit que c'est pire que les dessins danois !) est assez drôle dans un lapsus auto-déconstructeur : "The charge that the Prophet used the sword to spread Islam is false. The Prophet used the sword only to defend Islam not to spread the religion. He believed in peace and practised it to the hilt." Yes, to the hilt of the sword, indeed.

Le plus drôle est que ceux qui nient l'existence de ces "guerres saintes" quand ils sont avec des infidèles doivent au contraire les exalter comme la preuve d'une aide providentielle, quand ils sont dans un autre contexte. Ils ont raison d'évoquer les Croisades mais il ne faudrait pas oublier que ces conquêtes et colonisations n'étaient qu'un miroir, "hommage" et imitation tardive du Jihad, et que la critique de l'un implique donc celle de l'autre.

Il est aussi assez amusant que le souverain du Vatican s'appuie ainsi sur l'érudit Empereur orthodoxe Manuel II Paléologue qui demanda en vain l'aide des Occidentaux pour sauver Constantinople. Manuel ne gagna du temps contre les Turcs que grâce au musulman Tamerlan. Son fils Jean VIII Paléologue alla même (au Concile oecuménique de Florence de 1439) jusqu'à promettre à Eugène IV sa conversion au catholicisme romain (ce qui aurait fait dire à certains Grecs "plutôt Turcs que Latins" - le délégué russe fut même lynché par les Popes moscovites à son retour).

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