Nous savons tous que nous avons des croyances fausses. Normalement nous ne savons pas lesquelles parce que si nous le savions, nous n'y croirions plus (en fait, contrairement à cette conception de la rationalité épistémique et au paradoxe de Moore, je crois que lorsque je dis "je" dans un quelconque credo, je ne dois guère renvoyer qu'à un faisceau instable ou une assemblée d'émotions ou dispositions et donc qu'en un sens je peux savoir qu'une croyance est fausse et quand même continuer en majorité à y croire, mais peu importe ce cas de théorie humienne du moi]. Puisque le Bandarlog énumère quelques propositions qui lui semblent les moins fiables, les moins vraisemblables parmi celles auxquelles il donne son adhésion, on peut y jouer aussi - si ce n'est que les miennes seront plus anecdotiques et moins profondes.

Les nominés parmi mes croyances qui ont le plus de chance d'être fausses en ce moment, dans un ordre d'invraisemblance décroissant :

1 Je crois de manière complètement absurde que nous sommes dans une sorte de "roman". Je crois donc souvent qu'il va y avoir une "conclusion", une "morale" et que le sens va se révéler dans une sorte de scène finale de reconnaissance où les méchants seront soit punis soit réhabilités. C'est absolument débile mais je ne peux m'empêcher de colorer mes perceptions des événements avec ce genre de narrativité, de cadre moralisant infantile, et en cela, comme dirait Nietzsche, je reste un dévot superstitieux du XIXe siècle, qui croit encore même en un Progrès moral, voire un Règne des Fins.

2 Je crois que Royal va être élue Présidente. Je n'ai pas beaucoup d'arguments rationnels si ce n'est une induction sur le fait que N.S. pourrait être associé au régime en place malgré tout son discours ambigu sur la "rupture". Je n'ai aucune croyance ferme sur les scénarii du second tour, même si je crois globalement au scénario plus attendu.

3 Je crois que toute chose égale par ailleurs une victoire de Royal aura plus de conséquences positives. Il est assez possible qu'elle montre un manque de diplomatie inquiétant en politique étrangère et finalement une absence de réformes en dehors de quelques gadgets comme des comités citoyens. Il est possible aussi que la rupture de N.S. - si du moins elle avait lieu, voir croyance 4 - eût quelques effets positifs en mettant fin à cette amertume d'une partie de ce pays qui croient que cette rupture n'a que trop tardé. Il y a une partie de moi qui souhaite presque cette victoire de N.S. rien que pour pouvoir se débarasser de l'idée que ces "réformes" fussent si utiles qu'ils le croient.

4 Je crois que N.S. serait en fait juste Chirac bis. Même s'il s'est positionné comme un homme idéologique depuis 2002, je ne crois pas à quelque cohérence que ce soit et donc je pense qu'une fois arrivé au pouvoir il abandonnerait toute proposition qui risquerait de l'écarter du pouvoir par la suite. Il y a bien un argument qui va contre cela, le fait qu'il ait dit que le gouvernement sera sans doute très impopulaire après une rupture des premiers mois. Cela laisse penser qu'il veut sincèrement appliquer cette "rupture" et qu'elle n'est donc pas seulement un argument de campagne. Il y a aussi un argument assez fort qu'il est en fait sincère dans son inféodation aux intérêts du Medef, mais je crois que sa réforme de l'impôt sur les successions donnera toutes les garanties pour la bourgeoisie qu'il est là pour défendre leurs intérêts.