Le philosophe sceptique et utilitariste Peter Unger fut à l'origine d'un argument célèbre selon lequel nous sommes en fait moralement responsables de toute détresse que nos dons charitables auraient pu empêcher. L'argument contre notre sentiment naïf d'innocence et contre cet infini de la responsabilité négative doit bien avoir un problème quelque part - Mill se demandait déjà si le vrai benthamisme ne risquait pas d'être encore plus exigeant que les morales les plus surérogatoires (Proudhon (à peu près) : "La frugalité n'est pas surérogation mais vertu de commandement"). Mais après tout si l'argument a pour résultat une hausse des dons, il se trouve renforcé par cette maximisation de ses conséquences.

M. Canto-Sperber, philosophe et Directrice de l'ENS, en parlait récemment dans son émission Questions d'éthique et demandait (environ 16 minutes après le début, sans jamais citer Unger, je crois) si elle était responsable de la mort d'enfants dès qu'elle achète un livre, qu'elle va à l'Opéra ou prend un dîner en ville.

Sachant qu'elle vient de faire passer au Conseil d'Administration le tarif de la Bibliothèque de l'ENS de 0 à 100 euros/an pour les anciens élèves et 200 euros pour les extérieurs, c'est en effet une question que les lecteurs devraient désormais se poser (c'est gratuit si on donne 100 euros en don).

Girl de Cat & Girl distille toujours des thèses assez clairement marxisantes.