Via Phnk, cette nouvelle blague de rentrée du zélé député Christian Vanneste (lui-même ex-enseignant dans le privé) pour réglementer les noms d'écoles publiques.

Le 4 novembre 2005, un ancien Ministre de l’Éducation nationale, inaugurait en grande pompe, une école (NdB: maternelle) dénommée à son nom, à Beuvry-la-Forêt, dans le Nord.

L’heureux bénéficiaire de la dénomination étant encore élu, qui plus est dans la région de cette maternelle, il apparaît que cette dénomination donnée à une institution publique fondamentale qu’est l’école républicaine est inique au regard des règles de la démocratie, et surtout, de la nécessaire neutralité de notre école et de ses fonctionnaires à l’égard d’un élu toujours susceptible de se présenter à de nouvelles élections.

Il s’avère qu’aux termes de la loi n° 86-972 du 19 août 1986 portant dispositions diverses relative aux collectivités locales, la dénomination, ou le changement de dénomination, est de la compétence de la collectivité de rattachement. Les Conseils municipaux décident de la dénomination des écoles maternelles et élémentaires.

La circulaire du 28 janvier 1988 précise néanmoins qu’il est traditionnellement admis que les témoignages officiels de reconnaissance doivent être réservés aux personnalités qui se sont illustrées par des services exceptionnels rendus à la nation ou à l’humanité ou par leur contribution éminente au développement des sciences, des arts ou des lettres. Il est d’usage par ailleurs que les choix arrêtés en matière d’hommages publics ne concernent en principe que des personnalités décédées depuis au moins cinq ans.

Toutefois, les services du ministère chargé de l’Éducation nationale n’exercent aucune compétence en la matière et n’ont aucun moyen de s’opposer à une décision qui a été légalement prise par l’autorité compétente.

Cette proposition de loi a donc pour objet de donner au Ministre de l’Éducation nationale les moyens de s’opposer à de possibles dérives et d’appliquer effectivement la circulaire de janvier 1988.

Heureusement que M. Vanneste est là pour nous protéger des lycées Jack Lang et de leur "fureur de lire", qui le feraient assurément passer dès le premier tour devant Ségolène Royal.

Reste à savoir si le Ministre de l'Instruction publique aurait eu le courage de s'opposer à cet honneur conféré à un de ses festifs prédécesseurs ou si l'ambition qu'une commune fasse un jour de même pour lui (encore mieux que des Palmes académiques) l'aurait emporté sur ses réticences.

Mais rien n'interdira M. Vanneste de subventionner un jour en partie (en raison des insuffisances de la Loi Falloux-Debré) les structures d'une école "Saint Pie X" de plus.

Quant à la coutume dont il parle sur le décès des éponymes, je crains qu'elle soit assez peu respectée car j'ai vu souvent d'autres établissements inaugurés par la personne qui leur donnait leur nom. Il est vrai qu'à la place du sémillant Djack c'étaient Jacques-Yves Cousteau ou Henri Grouès, par exemple. Mais la prudence peut s'appliquer quand on ne sait pas comment la personne va finir ses dernières années : Cousteau a été vichyssois et on peut redouter que Grouès dérape à nouveau dans son soutien à Garaudy.

Certains peuvent redouter que les noms de lycées - tout comme parfois les prénoms des élèves issus de séries américaines - prennent l'apparence d'un destin. La liste des établissements classés "EP1" (le niveau correspondant aux anciennes aides Zone d'Education Prioritaire et établissements sensibles) en 2006 de l'académie de Créteil est la suivante :

77

 Henri Dunant Meaux
 Albert Camus Meaux
 Les Capucins Melun

93

 Jean Moulin Aubervilliers
 Rosa Luxembourg Aubervilliers
 Pablo Néruda Aulnay
 Claude Debussy Aulnay
 République Bobigny
 Jean Zay Bondy
 Romain Rolland Clichy
 Robert Doisneau Clichy
 Louise Michel Clichy
 Jean Vilar La Courneuve
 Lenain de Tillemont Montreuil
 Jean Jaurès Pantin
 Iqbal Masih Saint Denis
 Fédérico Garcia Lorca Saint Denis
 Maurice Thorez Stains
 Lucie Aubrac Villetaneuse

94

 Elsa Triolet Champigny
 Robert Desnos Orly

On peut remarquer la forte présence des noms communistes de la Ceinture Rouge (Luxembourg, Neruda, Thorez), mais aussi une surreprésentation de noms du XXe siècle (à part l'historien janséniste Le Nain de Tillemont, les Capucins, République, Dunant, Debussy, Michel). Les noms sont parfois très récents comme Lucie Aubrac (qui a 94 ans mais que les élèves associent peut-être plus à Carole Bouquet qui jouait son rôle au cinéma) ou le jeune enfant Iqbal Massih (1983-1995 - le CES doit dater des années 2000 et respecte donc bien le critère vannestien des "5 ans après la mort").

Parfois il y a des noms qu'on ne pourra jamais donner à un établissement pour des raisons très accidentelles qui ne sont même pas liées à la biographie du personnage. Il n'y aura jamais plus d'école Pailleron après l'incendie de 1973 détruisant un bahut du 19e arrondissement, associant ainsi le nom obscur de sa rue aux autres constructions bâclées des années 60 (les établissements "Pailleron"). Si vous voulez laisser en mémoire ne serait-ce qu'un banc à votre nom, il faut espérer qu'il sera ignifugé - et sans amiante.