Le discours de Bush d'hier où il "explique" (sans vraiment justifier) le surge (une remontée ? terme difficile à traduire qui a l'air d'évoquer une augmentation transitoire, cf. ce qu'en disait Édouard) ou "l'escalade" n'a pas vraiment soulevé l'enthousiasme - même le pompeux "Thucydide" d'opérette et ce flagorneur de Behindrocket le reconnaissent, ce qui est mauvais signe pour la Maison blanche.

Il y a déjà eu plus de soldats US en Irak dans le passé, et de nombreux critiques ont reproché au début à la doctrine Rumsfeld d'avoir toujours voulu mettre peu d'hommes en soutenant l'intérêt du lobby militaro-industriel plutôt que la viabilité à moyen terme de l'occupation.

Mais le contexte fait toute la différence.

Le gouvernement d'al-Maliki ne cache pas qu'il n'en voulait pas, de ces occupants supplémentaires. L'opinion américaine n'exige pas encore un retrait précipité mais elle est devenue si hostile à cette Vanity Pyrrhic "Victory" et l'absence de progrès (voir ce schéma des pertes US) que le simple fait de rajouter 21 500 sur les 132,000 paraît presque une provocation : "vous voulez poignarder dans le dos mon projet, je vais vous montrer que je sais être au dessus des sondages et être l'Autocrate le Décideur qui ajoute +16% au moment où même les Britanniques retirent 3000 hommes (-37%)".

De plus, sans trop vouloir tomber dans une contradiction du type argument du Chaudron (c'est trop, c'est trop tard et d'ailleurs c'est trop peu), ces 20 000 hommes sont nettement moins que les 32 000 qui auraient été prévus par le nouveau Général Petraeus.

Il y a certes quelques passages originaux pour du Bush, comme :

The situation in Iraq is unacceptable to the American people, and it is unacceptable to me. Our troops in Iraq have fought bravely. They have done everything we have asked them to do. Where mistakes have been made, the responsibility rests with me.

Chez un autre politicien, le fait de reconnaître ses responsabilités serait une rhétorique sans signification. "The buck stops here", etc. Mais chez un être qui n'a jamais eu à affronter quelque conséquence en sa vie, on a l'impression d'une première presque contre-nature, même si c'est encore voilé sous la forme passive.

It is clear that we need to change our strategy in Iraq.

So we won't. We'll just pretend.

Ou plutôt disons, comme Froomkin que c'est tout au plus une "inflexion tactique", et non un quelconque changement stratégique.

Jim Henley, William Arkin et Yglesias - pour une fois d'accord avec l'ultra-faucon Ledeen qui au contraire en salive d'avance - supposent que le passage suivant est plus qu'une menace vague contre l'Iran, mais Greg Djerejian (qui consacre un long commentaire au discours) n'y voit que flatus vocis et gesticulations verbales :

Succeeding in Iraq also requires defending its territorial integrity and stabilizing the region in the face of extremist challenge. This begins with addressing Iran and Syria. These two regimes are allowing terrorists and insurgents to use their territory to move in and out of Iraq. Iran is providing material support for attacks on American troops. We will disrupt the attacks on our forces. We will interrupt the flow of support from Iran and Syria. And we will seek out and destroy the networks providing advanced weaponry and training to our enemies in Iraq.

Drum se demande si ce passage signifie que les Américains vont s'attaquer aux milices chiites de Moqtada al-Sadr dans "Sadr City" :

In earlier operations, political and sectarian interference prevented Iraqi and American forces from going into neighborhoods that are home to those fueling the sectarian violence. This time, Iraqi and American forces will have a green light to enter these neighborhoods. And Prime Minister Maliki has pledged that political or sectarian interference will not be tolerated.

On peut en douter dans la mesure où l'exécution récente de Hussein montre encore que Sadr est devenu un pouvoir essentiel dans la majorité chiite.

L'historien Juan Cole dit au contraire que les Milices du Mahdi pourraient simplement se mettre un peu en veille en attendant que les Américains s'attaquent à leurs ennemis sunnites.

Le problème constant du discours bushiste est de persister encore aujourd'hui à dénier cette guerre civile en insistant encore sur le rôle "d'Al Qaeda" (ou plutôt d'un analogue de salafistes jordaniens), pourtant assez mineure par rapport aux Sunnites et anciens Baathistes, comme le rappelle aussi Eason Jordan dans sa longue exégèse.

Add. : Jon Stewart commente aussi le discours ("This is not a surge, it's a 15% tip").

Le scénario absurde évoqué par le nouveau correspondant Rob Riggle (qui remplace Cordry et est vraiment un ancien Major chez les Marines) qui consiste à soutenir à la fois les Chiites contre les Sunnites, les Kurdes contre les Chiites et les Turcs contre les Kurdes risque d'être assez proche des compromis réels. [Riggle avait proposé une meilleure solution.]

Keith Olbermann (youtube) a un de ses discours vibrants, qui énumère les innombrables mensonges passés de Bush. "Oceania has always been at war with East Asia."