Les éditions de la Pléiade ont de multiples avantages, en particulier celui, sans égal dans un appartement parisien, de rassembler *beaucoup* d'heures de lecture dans un volume très réduit.
Peut-être parce qu'elles rassemblent souvent des textes difficiles à trouver, peut-être parce que les textes anciens et les textes lointains se sont multipliés, peut-être par hasard, les pages des Pléiades se sont couvertes (assez récemment me semble-t-il ?) de notes, qu'il faut aller chercher en fin de volume. Parfois, elles sont
indispensables, parfois passionnantes, des fois on ferait mieux de les ignorer (mais c'est comme les sous-titres au cinéma : c'est difficile, l'appel de note nourrit la curiosité). Des fois, les notes soulignent cruellement la difficulté du commentaire moderne :
Le Rivage des Syrtes, première phrase :
"J'appartiens à l'une des plus vieilles familles d'Orsenna[1]."
début de la note [1], p. 1365
"Le nom d'
Orsenna a été longuement analysé par
Michel Murat dans le cadre de l'interprétation anagrammatique à laquelle il soumet l'ensemble du texte. On trouvera ces développements, qui ne sauraient être résumés ici, dans son article "Le système des noms propres dans
Le Rivage des Syrtes" (
Travaux de linguistique et de littérature, Strasbourg, 1979, t. XII, vol. 2, p. 159-202) ainsi que dans la première partie de sa thèse,
Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq, t. I, Le Roman des noms propres (Corti, 1983). Dans une lettre à l'auteur (t. II, p. 260), Julien Gracq a rendu hommage à ce système interprétatif "tout à fait ingénieux et dense", en lui opposant toutefois,
non sans malice, la simplicité de sa propre explication : "Orsenna vient du roi étrusque
Porsenna , dont j'ai fait sauteur le P initial qui me déplaisait."
(je grasse, j'hypertexte, et j'abuse jusqu'à corriger la typographie aux marges, car je suis effroyablement snob en matière de typographie) La route de l'érudition est droite, mais la pente du commentaire est forte... (ou
vice-versa ; c'est
une image). Pierre Jourde a écrit
une fiction sur ce thème (hilarante et malheureusement passée à peu près inaperçue, je crois ; n'existe pas en Pléiade, je serai curieuse de lire les notes le jour où ça paraîtra).
Memo to self : ne jamais parler aux auteurs, surtout ceux dont on aime le travail ; ne travailler que sur des auteurs morts depuis TRÈS longtemps. Oh, et ajouter à la liste de courses :
Le Rivage des Syrtes, chez José Corti.