mardi 18 juillet 2006
Coupures
Via Pandagon et Majikthise, un point de vue différent sur la question du statut des femmes dans les sciences qui avait été débattue encore récemment par Pinker et Spelke (cf. Mixing Memory et en français République des idées, peut-être un peu biaisée en faveur de Pinker).
Le Dr Ben Barres est professeur de neurobiologie à Stanford, 51 ans, et il a écrit un article fascinant dans Nature. Barres a été chercheuse femme pendant des années avant de devenir un scientifique mâle il y a une douzaine d'années. Mais il ne fait pas que raconter son expérience des deux côtés et donne aussi une liste d'objections aux théories d'une différence générale en "science" (personne ne nie qu'il existe certaines différences cognitives dépendant par exemple des hormones de testostérone mais le problème est de savoir si elles se traduisent en des capacités générales pour les sciences).
Sa diabolisation de Pinker est un peu excessive - Pinker suit plus une croisade "innéiste" qu'un plan phallocratique autant que je sache - mais en même temps le ton de martyre qu'adopte ce dernier en ce moment doit radicaliser ses adversaires, en plus de perspectives pratiques et politiques plus générales :
These studies reveal that in many selection processes, the bar is unconsciously raised so high for women and minority candidates that few emerge as winners. For instance, one study found that women applying for a research grant needed to be 2.5 times more productive than men in order to be considered equally competent. Even for women lucky enough to obtain an academic job, gender biases can influence the relative resources allocated to faculty, as Nancy Hopkins discovered when she and a senior faculty committee studied this problem at MIT. The data were so convincing that MIT president Charles Vest publicly admitted that discrimination was responsible. For talented women, academia is all too often not a meritocracy.
Et il ajoute (présentation de l'auteur dans le PDF) :
By far, the main difference that I have noticed is that people who don’t know I am transgendered treat me with much more respect: I can even complete a whole sentence without being interrupted by a man.
Ce dernier point de la domination masculine ne me paraît pas anecdotique, même s'il plaisante. C'est plus important encore que d'autres signes directs de discrimination (comme lorsque son prof pensait qu'elle n'avait pas pu faire ses exercices elle-même mais que lui, Ben était bien meilleur que sa petite soeur, Barbara) parce que c'est le plus invisible des habitus peut-être dans les silences et réticences et en même temps l'un des plus brutaux. Des hommes qui se prétendent féministes peuvent très bien participer de ce jeu où on présuppose implicitement qu'un avis pertinent doit venir avec une voix plus forte ou plus grave et où toute discussion doit être un match de cris pour trouver une ouverture dans le débit des plus loquaces (ceux qui ont étudié la cadence de Besancenot font remarquer qu'il est difficile de le couper dans ses pauses, ce qui doit être un avantage de l'entraînement dans les réunions trotskistes).